Il y a tempo dans l’air… en tout cas, dans la vie d’Andrea Natale, chargé de recherche au centre Inria de l’Université de Lille. L’alternance entre cours et recherches repose sur un rythme binaire qui convient parfaitement à un chercheur dans les sciences du numérique… mais qui ne déplairait pas non plus à un musicien aguerri roué aux sessions d’impro, car elle implique une bonne dose de flexibilité !
Comment avez-vous rejoint Inria ?
Mon parcours est un peu particulier et très international. J’ai commencé par des études d’ingénierie à l’université de Naples, en Italie, que j’ai poursuivies par un master à l’université de Deft, aux Pays-Bas, avant de faire une thèse à l’Imperial College de Londres, au Royaume-Uni, en mathématiques appliquées et physique mathématique. Et c’est en postdoc que je suis arrivé à Paris, au sein de l’équipe-projet commune Mokaplan d’Inria.
Et cela vous a tout naturellement conduit à briguer un poste de chercheur, pour poursuivre votre parcours universitaire de recherche ?
Oui, je travaille aujourd’hui dans l’équipe-projet Rapsodi du centre Inria de l’Université de Lille. Mes recherches portent sur le développement de méthodes numériques pour la simulation de systèmes physiques, en particulier dans le domaine de la mécanique des fluides. Dans la continuité de ma thèse, durant laquelle je me suis intéressé à la simulation de l’évolution de l’atmosphère et des océans, je travaille à présent essentiellement sur des méthodes numériques pour le même type de modèles, mais avec des outils issus de la théorie du transport optimal. Ceux-ci permettent d’étudier des objets très généraux et offrent donc une grande flexibilité dans la conception et l’analyse des schémas numériques que j’essaie de développer.
Quels sont selon vous les autres avantages de l’enseignement ?
Il y en a plusieurs et ils sont d’ailleurs bien perçus par les chercheurs d’Inria. Au sein de mon équipe par exemple, tous sont comme moi enseignants par choix.
Les interactions avec les étudiants sont aussi une opportunité pour recruter des étudiants en stage et les motiver à travailler sur certains sujets. J’ai eu l’année dernière un étudiant de mon master en stage pour deux mois : il a développé des codes pour certains de mes thèmes de recherche, ce qui a été une bonne expérience pour lui et une bonne mise en pratique de ses compétences pour l’équipe.
En outre, les cours sont également l’occasion de réfléchir à des concepts de base de façon différente. Parfois, ce sont des concepts que nous n’avons pas l’habitude de penser en détail, mais devoir les expliquer oblige à les regarder sous des angles différents et permet de mieux les comprendre.
Enfin, l’enseignement offre une variation appréciable dans le tempo des recherches, qui peut s’avérer bénéfique. Ce mouvement de bascule, métronomique, garant de régularité, est aussi un gage de rigueur : nous sommes absorbés par notre sujet mais, toujours avec le même rythme, nous changeons de tonalité en passant en cours. Ceci peut redonner un souffle de créativité, faire naître de nouvelles idées…
Il existe donc aussi une complémentarité entre recherche et enseignement ?
Oui, clairement ! En particulier pour mon cours à l’Université de Lille, qui se rapproche de l’objet de mes recherches. Par exemple, j’ai travaillé pendant un temps sur certaines méthodes que je ne maîtrisais pas bien. J’ai donc choisi de les développer en cours, cela peut sembler paradoxal mais ça m’a donné un prétexte pour les approfondir et améliorer ainsi mes connaissances ! Il y a vraiment des allers-retours permanents : les cours donnent des idées, la recherche en fait germer aussi, les unes servent aux autres et vice versa.
Les cours sont également l’occasion de réfléchir à des concepts de base de façon différente. Parfois, ce sont des concepts que nous n’avons pas l’habitude de penser en détail, mais devoir les expliquer oblige à les regarder sous des angles différents et permet de mieux les comprendre.
L’enseignement couplé à la recherche était donc naturel, mais pourquoi chez Inria ?
D’une part, le thème des recherches de l’équipe que j’ai intégrée, qui offrait des perspectives d’interactions intéressantes. Et d’autre part, j’ai apprécié la liberté que propose Inria à ses chercheurs, au sein des équipes-projets, qui portent bien leur nom. Il y a bien sûr un projet d’équipe, mais au sein de celui-ci, les individus ont une certaine flexibilité pour choisir ce qu’ils considèrent comme important et veulent étudier. De plus, la structure de l’équipe en elle-même est très favorable aux recherches puisque le groupe donne la possibilité de discuter de nos questions scientifiques. Sans compter bien sûr les bénéfices sociaux du travail en équipe.
Cette recherche d’interactions est-elle également pour une part importante dans votre volonté d’enseigner ?
Dès mon master, j’ai collaboré à certains cours en tant qu’assistant, ce qui m’a tout de suite plu. L’interaction avec les étudiants peut être enrichissante dans le sens où elle nous apprend à expliquer les choses. Nous progressons ainsi en communication, et pour être pédagogues nous sommes poussés à nous améliorer sans cesse.
J’ai donc continué à enseigner tout au long de mon cursus. À présent, je donne un cours intitulé « Refresher in mathematics » – une remise à niveau en algèbre appliquée au traitement de données – dans le cadre du master 2 « Sciences des données » de l’Ecole Centrale de Lille, ainsi qu’un cours « Résolution numérique de problèmes non linéaires » au sein du master 1 « Sciences, Technologies, Santé, Mention Mathématiques et Applications » de l’Université de Lille.
L’enseignement influe-t-il sur les interactions avec vos collègues ?
Bien sûr ! La préparation des cours et les retours des étudiants sont l’occasion d’échanger entre nous. Par exemple, j’ai dû préparer celui pour l’École centrale dans un délai très court et je me suis donc appuyé sur le matériel que m’a fourni une collègue qui dispensait un cours un peu similaire. À l’Université de Lille, nous sommes en plus naturellement proches les uns des autres puisque les membres de Rapsodi font partie de l’équipe Analyse numérique et équations aux dérivées partielles (ANEDP) du Laboratoire Paul Painlevé de l’université. Nous pouvons nous aider pour les TD, partager des ressources et cela renforce encore les liens.
Si vous deviez associer un style musical à votre métier de chercheur et d’enseignant, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?
Plutôt le jazz ! Car il faut savoir s’adapter très souvent au contexte auquel on fait face. Être à la fois enseignant et chercheur requiert un certain niveau de flexibilité et d’improvisation. C’est rythmé et varié !