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Portrait

Ingénieur de recherche : un solo au diapason du groupe

Portrait de Jan-Michael Rye, ingénieur de recherche

Jan-Michael Rye est ingénieur de recherche au centre Inria de Lyon. Il a mis tant de cordes à son arc que celui-ci semble aujourd’hui proche de la guitare ! De la biologie à l’informatique, en passant par la physique, son parcours interdisciplinaire lui permet de faire vibrer ses expertises au service de la médecine.

En quoi consiste votre travail ?

Je suis ingénieur de recherche, affecté à 100% à l’équipe-projet AIstroSight du centre Inria de Lyon. Nous travaillons sur l’utilisation des outils de l’intelligence artificielle, comme le big data, le machine learning, le deep learning, etc., afin de trouver des traitements pour les maladies orphelines du cerveau.

Peut-on dire que vous avez un parcours d’informaticien ?

Mon parcours n’a vraiment rien de linéaire en fait, et ne devient informaticien qu’assez récemment.

Je suis né aux États-Unis, puis j’ai déménagé en Suède, et c’est là-bas, à l’université de Skövde, que j’ai fait un master en biologie moléculaire. Je suis ensuite allé en Angleterre pour entamer une thèse de biologie que j’ai arrêtée au bout d’un an : je ressentais le besoin d’accroître mes connaissances sur les mécanismes physiques et chimiques se cachant derrière les processus biologiques. Je me suis donc lancé à mon arrivée en France dans des études de physique, avec à la clé un master en « nanoscale engineering », de la physique et de la biologie à l’échelle nanométrique. Durant ma dernière année, j’ai fait un stage au sein du laboratoire Agrégats et Nanostructures de l’UCBL (Université Claude Bernard Lyon 1), qui se focalise sur les interactions entre lumière et matière, et j’y suis resté pour une thèse ayant des applications potentielles en biodétection.

J’ai toujours voulu trouver des applications de mon travail à la biologie et à la médecine, c’est là le fil rouge de mon parcours.

Comment l’informatique s’est-elle insérée dans ce cursus ?

Mon intérêt pour l’informatique s’est développé au cours de mes études. Puisque j’étais déjà lancé dans des recherches en biologie et en physique, j’ai cultivé cet aspect-là au départ comme un hobby. Pendant dix ans, j’ai ainsi contribué à la communauté de l’open source et après ma thèse, j’ai voulu savoir si j’avais finalement acquis un niveau suffisant pour travailler dans le domaine du numérique. La réponse était positive : j’ai décroché un premier emploi de consultant HPC – calcul haute performance – puis un poste d’ingénieur R&D. Ces expériences m’ont donné confiance en moi et ont renforcé la crédibilité de mon CV.

Vous aviez alors toutes les cartes en main pour intégrer Inria ?

Mon profil était en effet pertinent et j’ai eu en outre la chance d’avoir connaissance de l’ouverture d’un poste qui me plaisait beaucoup. Comme l’institut est très proche de la recherche universitaire, il ne m’était pas inconnu et je savais que ce poste correspondait à mes attentes : une application de l’informatique dans le domaine de la médecine (les maladies du cerveau) et dans le milieu académique. Je n’avais cependant pas beaucoup d’espoir au moment de postuler car je n’avais pas un parcours purement informatique, mais finalement, c’est justement l’aspect interdisciplinaire de mon CV qui m’a permis d’être sélectionné !

C’est l’un de mes rôles : soutenir les chercheurs, essayer en quelque sorte de faire office d’encyclopédie locale !

Finalement votre interdisciplinarité est un précieux atout dans votre travail ?

Absolument, aussi bien pour l’aspect recherche que dans la compréhension des impératifs qui s’imposent aux industriels, dont mon passé m’a permis de prendre conscience à plusieurs niveaux.

Dans mon équipe de recherche, d’un côté, mes compétences en informatique et le fait d’avoir été autodidacte dans ce domaine m’offrent une grande indépendance dans la mise en place des projets, une facilité pour la montée en compétences, mais également la possibilité d’aider les autres membres de mon équipe pour leurs implémentations de code. C’est d’ailleurs l’un de mes rôles : soutenir les chercheurs, essayer en quelque sorte de faire office d’encyclopédie locale (ou de couteau suisse, selon les points de vue) !

De l’autre, comme nous collaborons avec des médecins et des biologistes, mes connaissances en biologie me permettent de comprendre leurs problématiques, les maladies du cerveau à soigner et la méthodologie recherchée pour y parvenir. Et je peux traduire tout cela en langage informatique.

Je suis à la croisée de tous les domaines de recherche de mon équipe.

Finalement, que t’a apporté ton expérience au contact du monde industriel dans ton quotidien au sein de ton équipe-projet ?

Dans le développement de mes compétences personnelles au sein de cette équipe de recherche, mon expérience dans l’industrie m’est également très utile. En effet, ce passé et ces expériences m’aident à prendre conscience de l’importance de la qualité des codes développés. Ceux que nous élaborons pour la recherche peuvent ne pas être parfaitement « propres » parce qu’ils sont destinés à ne fonctionner que pour une expérimentation. Mais dans l’industrie, il y a des standards pour que le code puisse être suivi dans le temps, transmis d’une personne à une autre et ce sont ces habitudes que j’essaie de garder et de promouvoir dans le monde académique. Il me semble que ces impératifs du monde industriel peuvent trouver à s’adapter au monde académique par la rigueur qu’ils nécessitent de mettre en place : cela ne peut qu’être pertinent dans un monde où la reproductibilité est centrale ! Le monde académique et le monde industriel ont tout à gagner à se nourrir mutuellement, qu’il s’agisse de partager leurs résultats ou leurs méthodes de travail.

Si vous deviez associer un style musical à votre métier d’ingénieur, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Sans hésitation la guitare espagnole ! Car parfois il nous arrive de jouer en solo, parfois en équipe. Le tempo change, passe de calme à intense, quelquefois dans le même morceau, sur les mêmes recherches. Et le membre de l’équipe qui entraîne le reste du groupe change d’un morceau, d’un sujet, à l’autre. Enfin, il y a des passages qui paraissent simples de l’extérieur et qui sont pourtant techniquement difficiles et à l’inverse, des passages qui paraissent compliqués mais se font simplement. Et nous-mêmes pouvons être surpris par ces apparences trompeuses !

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