Pour que les chercheurs puissent jouer leurs partitions, il leur faut parfois un soutien technique ! C’est ce qu’apporte Jenny Kartsaki, ingénieure recherche et développement. Avec une particularité : celle d’œuvrer au sein d’équipes-projets Inria… mais en étant rattachée à NeuroMod, un institut d’Université Côte d’Azur.
Quel a été le parcours qui vous a menée jusqu’à Inria ?
J’ai suivi quatre ans d’études universitaires en informatique à l’université de Crète, en Grèce, puis j’ai travaillé pendant trois ans en tant qu’ingénieure logiciel au Forth Institute (Foundation for Research and Technology – Hellas), toujours en Grèce. Finalement, j’ai décidé de reprendre mes études, j’ai repéré le master de biologie computationnelle et biomédecine d’Université Côte d’Azur (UCA) et c’est ainsi que je suis arrivée en France. Et rapidement ensuite chez Inria où j’ai effectué mon stage de master, au sein de l’équipe-projet Biovision du Centre Inria d’Université Côte d’Azur. Le sujet : l’impact du blocage de certaines cellules de la rétine sur la vision.
L’histoire aurait pu s’arrêter là…
Tout à fait, sauf que j’avais durant mon master repéré un doctorat qui me plaisait bien, de nouveau avec l’équipe-projet Inria Biovision, l’université de Newcastle et Université Côte d’Azur. J’ai donc continué mes études et ma thèse a abouti au développement d’un modèle computationnel permettant d’évaluer la contribution à la vision de cellules rétiniennes spécifiques.
J’ai toujours été attirée par la combinaison de l’informatique et de la biologie et ces recherches mêlaient justement les sciences computationnelles, la modélisation mathématique, les neurosciences et l’expérimentation. C’était tout à fait ce que je recherchais !
Et vous avez eu la chance de pouvoir poursuivre votre carrière interdisciplinaire.…
Grâce à la création de NeuroMod, institut transdisciplinaire axé sur la modélisation en neurosciences et cognition, qui a vu le jour officiellement en 2020. J’y ai été impliquée dès le début, via ma thèse.
En parallèle, mon doctorat m’avait aussi amenée à collaborer avec le SED, le service expérimentation et développement du Centre Inria d’Université Côte d’Azur. Celui-ci est composé d’ingénieurs de recherche assurant le support au développement, aux expérimentations et à la gestion des plates-formes expérimentales.
Et en 2021, les planètes se sont alignées : le SED et NeuroMod, qui avaient déjà travaillé ensemble, ont souhaité renforcer leur collaboration en créant un poste d’ingénieur hébergé au sein du SED mais dédié aux projets NeuroMod et rattaché administrativement à l’université. Avec mon expérience et mes compétences, je correspondais tout à fait au profil recherché et je suis donc devenue cette ingénieure recherche et développement en septembre 2021.
Le travail en équipe et l’interdisciplinarité me plaisent beaucoup. Nous collaborons tous et c’est le meilleur moyen d’améliorer nos compétences. Au croisement d’UCA et d’Inria, je profite des expertises des uns et des autres, je leur apporte mon aide et c’est très enrichissant.
Concrètement, en quoi consiste votre travail ?
Pendant les premières semaines, j’ai collaboré avec les ingénieurs du SED sur des projets Inria, afin de me familiariser avec l’équipe, les plates-formes et cadres de travail internes, les chercheurs. Il s’agissait aussi de me former à tous les outils de base de l’ingénierie logicielle. Puis je me suis concentrée exclusivement sur les projets NeuroMod.
Cette structure rassemble 250 scientifiques venus de 16 laboratoires et entités de recherche différents, dont des équipes-projets Inria.
Il y a donc de très nombreux projets en cours et je travaille sur plusieurs d’entre eux, comme la simulation des trains de potentiels d’action dans un réseau comprenant plus d’un milliard de neurones, ou encore, à partir des données EEG, la localisation des sources cérébrales actives liées à l’empathie pour une douleur physique.
Je suis à l’interface entre les idées des chercheurs de différentes disciplines – statistiques, informatique, neurosciences computationnelles – et leurs réalisations techniques, et j’essaie de coordonner leurs besoins en développement d’outils. J’interagis aussi avec des étudiants en thèse ou en master de NeuroMod afin de les conseiller ou les accompagner pour l’installation de divers outils.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce poste ?
Le travail en équipe et l’interdisciplinarité ! Nous collaborons tous et c’est le meilleur moyen d’améliorer nos compétences. Au croisement d’UCA et d’Inria, je profite des expertises des uns et des autres, je leur apporte mon aide et c’est très enrichissant.
Les « sprints » sont l’une des actions qui illustrent bien cette émulation. Ils font partie d’une méthodologie pour les développements logiciels, dite agile, qu’utilisent les ingénieurs du SED : pendant deux à trois semaines, régulièrement, nous travaillons tous ensemble au quotidien autour du développement d’un même software et les chercheurs participent au processus. Généralement, à la fin du sprint, nous aboutissons déjà à une démo de l’outil. Cela permet de booster le développement et j’ai mis en place cette même méthodologie pour faciliter la gestion des projets de NeuroMod.
Ce poste à la croisée des disciplines et des équipes de recherche est-il aussi bénéfique pour Inria et Neu-roMod ?
Bien sûr ! De nombreuses équipes de recherche Inria travaillent sur les neurosciences et collaborent à NeuroMod, donc l’université, Inria et NeuroMod sont très liés et il existe une forte complémentarité entre les différentes entités. Avoir en plus un ingénieur spécialisé, qui connaît les équipes et les besoins de chaque institution, est un avantage pour chacun, un gain de temps, d’efficacité et d’unité. Sans compter qu’au SED, tous les ingénieurs travaillent dans un open space, ce qui nous permet d’échanger très facilement et renforce encore l’efficacité du travail en équipe.
Si votre poste était un style musical, lequel serait-ce et pourquoi ?
J’ai un peu l’impression de jouer dans un groupe de jazz ! Nous avons des orientations communes, mais l’innovation est encouragée et chacun de nous a le droit d’expérimenter, d’apporter ses propres idées, tout en restant en lien les uns avec les autres et en communiquant. En plus, mon poste exige d’être flexible et créatif : le jazz est donc une bonne métaphore !